La traversée de La Beauce


Les premières semaines du voyage furent passées sur les plaines de Beauce. Souvent méprisée par les randonneurs, elle n'aurait à offrir que de l'ennui, de la chaleur et des camions. Si le Soleil y est implacable et les camions omniprésents près des routes, j'en garde un souvenir très fort.
Chaque journée amenait alors son lot de difficultés. Pas assez entraînée, je me couchais exténuée, les juments broutant tranquillement à côté de la tente. Les étapes sont pourtant courtes, d'une quinzaine de kilomètres. Mais, chacun apprenant alors son métier de voyageur, les kilomètres étaient chers.
Je me retrouvais alors perdue au milieu des champs immenses, seule avec les juments. Une solitude belle mais angoissante. Les villages étaient alors comme des îles, à chaque soir, je faisais mille rencontres, profitais d'un accueil chaleureux.

Ces rencontres étaient d'autant plus précieuses que j'étais habitée par la peur de l'échec et que la moindre casse, colère de la jument ou effronterie de la mule rongeaient peu à peu ma détermination. Je tiens donc à remercier du fond du cœur les gens qui m'ont ouvert leurs portes pour une nuit ou une heure.

La suite du récit

Et tout commença..

L'année dernière, je partais sur les routes à cheval pour quelques milliers de kilomètres. Avant cela, il y eût une longue préparation, rythmée d'obstacles et de doutes. Je rentrais d'un été au Kirghizstan avec une simple idée de voyage. Rien n'était sûr. Dans cette période floue et solitaire, je m'endormais avec Les Cavaliers de Joseph Kessel.

J'avais d'abord eu l'idée de traverser les îles de Nouvelle-Zélande. Mais, plus je préparais un éventuel voyage là-bas, plus je me sentais consommatrice du monde. Prendre l'avion pendant plusieurs jours me paraissait de plus en plus violent, absurde. Surtout pour ensuite réaliser un voyage à cheval, lent, cadencé par le pas des chevaux. Je ne connaissais pas encore le pays que je quittais, alors qu'aurais-je pu apporter en échange aux Néo-Zélandais ? Ma décision fut donc prise: ce voyage ne sera pas le dernier, mais le premier et je veux que cette histoire commence sur les chemins des campagnes de France. Je veux qu'il y ait une origine.

Je préparais alors plusieurs itinéraires, un seul objectif rejoindre les Pyrénées. En même temps, je m'attelais à me former à la maréchalerie, au bâtage, à la bourrellerie, au soins vétérinaires,.. Il fallait aussi trouver le matériel.

Et les chevaux. Ce ne fut pas facile, je ne savais pas où trouver de l'aide et je suis encore surprise de la chance que j'ai eue. La mule rousse, Stringa, est futée comme un vieux renard, toujours joyeuse et avide de découverte. La jument noire, Tweety, est brave, imposante et protectrice. Cependant, si avec Stringa l'amitié fut immédiate, Tweety, par sa méfiance, ses colères, amena de nombreux doutes et de remises en question.

C'était un pari risqué, partir avec deux jeunes juments (5 et 6 ans), moi-même sans expérience de voyage, mais je suis bien contente de l'avoir joué, malgré des débuts difficiles. Moi qui ne connaissais rien, elles m'ont tout appris. Le voyage est une chance unique de construire une relation simple basée sur la confiance.

J'achetais les juments en février 2012. Nous partions le 9 mai.

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